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vendredi 13 juin 2014

La terre de fer.

La terre de fer.

J'ai entendu émettre bien des opinions différentes sur la composition de la terre de fer; aussi, j'ai pensé que je serais agréable aux lecteurs de la Petite Revue en leur parlant de ce produit.
La terre de fer est tout simplement le nom donné à la faïence fine, d'invention relativement récente et d'importation en France plus récente encore.
La fabrication de la faïence remonte, on le sait, aux temps les plus reculés; mais la faïence fine, commerciale, date du commencement du siècle dernier: depuis longtemps, on fabriquait dans le comté de Stafford, en Angleterre, à Burlsen, une faïence commune vernissée à la galène (plomb sulfuré). En 1700, le potier Ashbury remarqua que le silex noir, calciné, devenait blanc; il essaya donc de blanchir la terre de ses poteries au moyen du silex. En 1763, Josiah Wedgewood, surnommé le Bernard Palissy anglais, reprit la découverte d'Ashbury et réussit à fabriquer ainsi une pâte à biscuit dense, opaque, à la glaçure transparente; on nomma la nouvelle faïence cream colour, à cause de sa teinte crème et queen's ware en raison de la protection que la reine accorda à ce nouveau genre de céramique. Bientôt on n'employa plus autre chose, dans les familles riches, et, en 1780, l'usage s'en répandit en France sous le nom de faïence anglaise.
Ce n'est guère qu'en 1824 que la faïence anglaise fut vulgarisée chez nous, grâce à l'énorme production des fabriques de Johnson et de Saint-Amans à Bordeaux; aujourd'hui, elle est fabriquée dans plusieurs villes, notamment à Choisy, Creil, Sarreguemine, Montereau, Bordeaux, Lunéville, Gien; mais, chose triste à dire pour notre amour national, c'est le Staffordshire qui tient le premier rang pour la solidité et le bon marché.
Actuellement la faïence fine ou terre de fer est d'un usage très répandu, soit sous forme de service de table, de garnitures de toilettes et même d'objets de luxe tels que: jardinières, panneaux décoratifs, vases artistiques, etc... et cet usage parmi nous ne remonte pas à trente ans.
En 1860, lors de la signature du traité de commerce qui permettait enfin l'importation en France des produits anglais, un de nos compatriotes habitant l'Angleterre, M. Bourgeois, fonda à Paris, une maison dans laquelle il centralisa les faïences des meilleures fabriques du Staffordshire; nous devons reconnaître qu'au début, ses efforts furent mal récompensés; mais il sut lutter avec persévérance et, aujourd'hui, il recueille les fruits de ses travaux. Sa maison est un véritable musée où l'on voit les merveilles de la céramique, non seulement importées d'Angleterre, mais encore sortant de nos manufactures. L'introduction en France des faïences anglaises a eu, en effet, pour résultat, de stimuler nos nationaux et, actuellement, le grand dépôt de M. Bourgeois montre bien que si l'on fait solide et bon marché chez nos voisins, les produits de nos fabriques françaises qui coudoient les faïences du Staffordshire, ne leur cèdent en rien au point de vue artistique.

La Petite Revue, premier semestre 1889.

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