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vendredi 31 janvier 2014

Un lit conditionné.

Un lit conditionné.


Pour une foule de personnes le lit n'est autre chose qu'un moyen de se dorloter, de s'amollir: c'est une grande faute. Jadis des milliers d'hommes couchaient sur la paillasse, parce qu'ils n'avaient pas de quoi s'acheter un lit plus confortable. Dans ma jeunesse, j'entendais souvent parler de cherté, de dettes occasionnées par la guerre, sous lesquelles le pays gémissait; par suite, les ménages étaient montés pauvrement et les habitants menaient une vie misérable. Les indigents dormaient sur une simple paillasse, avaient sous la tête un sac rempli de paille et un seul oreiller, et se couvrait d'un simple lit de dessus. Néanmoins le repos et le sommeil étaient délicieux. Rien n'est plus nuisible que de coucher sur un lit de plumes, parce qu'il produit une chaleur excessive et ramollit le corps.
Les lits de dessus sont ordinairement remplis de duvet, parfois en si grande quantité qu'il en résulte un calorique beaucoup trop intense. Si alors, en sortant de ce milieu surchauffé, on s'expose à l'air froid, un catarrhe devient inévitable. Quelqu'un a-t-il, outre ce lit de dessus tellement épais, un poêle chauffé dans sa chambre à coucher, toutes les mesures sont prises pour porter atteinte à la santé.
De nos jours une nouvelle mode vient de faire son apparition: celle des draps de lits faits avec la laine de mouton. Ce n'est pas assez du lit de plumes ou de duvet, il a fallu encore la couverture de laine, qui à elle seule suffirait pour se garantir du froid, et voici qu'à présent on cherche à augmenter encore le calorique moyennant les draps de lit en laine ! C'est la bonne manière de s'amollir encore davantage, de devenir plus incapable encore de lutter contre les influences pernicieuses. Qui plus est, en voyant sur un lit 2 ou 3 grands oreillers, bourrés de duvet et engendrant un excès de chaleur, il n'y a pas lieu de s'étonner que tant de personnes aient à se plaindre de maux de tête et d'un afflux de sang au cerveau. Quand la tête enfoncée dans de pareils oreillers vient à sortir et à se mettre en contact avec l'air frais, est-il possible d'éviter tous ces frissons et ces refroidissements?
Ami-lecteur, voulez-vous avoir un lit comme il faut? Ecoutez mon conseil. Mettez sur la paillasse un matelas solide, ainsi qu'un bon rouleau avec un seul oreiller de plumes. Si vous désirez vous servir d'une couverture de laine, je n'ai rien à objecter, à condition que vous preniez deux draps de lit; si, au contraire,  vous préférez faire usage d'un lit de dessus, n'y mettez que peu de duvet ou de plumes, pour ne pas avoir trop chaud, comme j'ai dit plus haut. L'amollissement qui provient de l'habillement trop chaud conduit certainement à la mauvaise habitude de s'amollir aussi au lit, et réciproquement. Pour quiconque s'est endurci par le moyen du genre de vie et d'habillement, le lit moderne n'a pas d'attrait; et quiconque s'accoutume à dormir dans un lit trop chaud et, par conséquent, amollissant, celui-là arrivera bientôt à ne plus se contenter des vêtements suffisants, il lui en faudra davantage et de plus chauds. Gardez-vous donc de ces deux défauts et endurcissez-vous d'une manière rationnelle; car si l'on s'amollit moyennant le lit et l'habillement et qu'on respire un mauvais air, on se prépare un bien triste sort.
Je viens de dire comment, en général, on peut faire erreur par rapport au lit; voyons maintenant quelle est la bonne manière de dresser la couche. Si vous alliez dans 15 ou 20 maisons différentes pour comparer les lits, vous trouveriez presque partout autre chose. Que de lits ne rencontreriez-vous pas dans lesquels il y a moyen de devenir difforme et bossu! Il y a des gens qui, en place de la paillasse ou du matelas ordinaire, s'avisent de mettre un grand coussin ou matelas de plumes; quand on se couche, il se creuse un profond enfoncement là ou repose le poids principal du corps, tandis que les pieds reposent à un niveau plus élevé et que le haut du corps s'appuie contre une montagne de 3 ou 4 oreillers et traversins: position excessivement malsaine pendant le repos de la nuit. Si vous voulez bien dormir et vous procurer un sommeil réparateur, rendez votre couche horizontale jusqu'à l'élévation sur laquelle repose la tête et qui ne doit pas être plus grande que la largeur de l'épaule (espace compris entre le cou et l'extrémité supérieure du bras). Il ne faut, en dormant, ni retirer les pieds, ni plier les genoux; autrement la circulation du sang serait gênée et des congestions pourraient se produire. La position la plus avantageuse pour le corps et surtout pour la circulation du sang, c'est d'allonger les jambes. Les mains non plus ne doivent pas être fermées, afin de ne point déranger le cours du sang, ni de favoriser les engorgements. Se coucher sur le côté gauche n'est utile à personne, impossible à beaucoup de monde, parce que le cœur a, dans cette situation, une charge trop lourde à porter. Le mieux c'est de se coucher moitié sur le côté droit, moitié sur le dos, et d'étendre les bras et les jambes, de manière à éviter le plus possible les courbures du corps et des membres.
Le lit doit avoir des dimensions suffisantes, pour qu'on puisse s'y reposer commodément: il ne faut donc pas qu'il soit trop étroit, ni trop court. La couverture également doit être longue et large, afin que, par suite d'un mouvement quelconque pendant le sommeil, l'air frais ne pénètre pas; autrement vous auriez facilement un rhumatisme en peu de minutes. Il y a beaucoup de personnes qui portent au lit des caleçons assez serrés: c'est ce qu'il faut éviter, parce que cela gène la circulation du sang. Le bord des manches de la chemise doit avoir suffisamment d'ampleur, pour ne rien comprimer. Le col restera ouvert; car, s'il était fermé, il pourrait survenir pendant le sommeil un serrement quelconque qui, de son côté, entraînerait une obstruction du sang et partant une augmentation de calorique. Si, dans un pareil état, la personne dormante aspirait un air froid, un catarrhe plus ou moins considérable en serait la suite.
Il y a des gens qui, pour avoir les pieds chauds, gardent les bas et les jarretières pendant la nuit; or, les jarretières déterminent sans peine des engorgements et des varices aux jambes, accidents que bon nombre de personnes se sont attirés par leur propre faute. Les diverses pièces d'habillement, comme bas, caleçons, etc..., qu'on porte au lit, ne dérangent pas seulement le cours du sang; elles occasionnent aussi une distribution inégale du calorique, ce qui fait tort également à la circulation régulière. Le bonnet de nuit est à rejeter aussi, parce qu'il fait obstacle à l'endurcissement convenable et qu'il attire passablement le sang à la tête, double influence dont peut résulter aisément un catarrhe.
Voilà des règles de conduite pour lesquelles plus d'un se moquera peut être de moi. J'entends d'ici comme on se récrie: "Je me trouve très bien de mon bonnet de nuit, je ne m'en dessaisirai pas." D'autres, qui ont l'habitude de garder au lit les bas, les caleçons ou des effets quelconques, parleront d'une manière analogue. Je leur répondrai à tous: Faites ce que vous voulez, que chacun fasse à sa tête! Si vous vous portez bien pour le moment, ce n'est pas à dire que cela continue ainsi, et il est fort probable que, dans un avenir plus ou moins rapproché, vous ayez lieu de vous plaindre de l'une ou de l'autre infirmité. Bien souvent, j'ai constaté qu'une foule d'accidents et de maladies ont leur source dans les habitudes dont je viens de parler.
Maintes fois on m'a demandé si, à cause de la transpiration, il faut changer de chemise en se couchant ou si l'on peut garder celle qu'on a portée pendant la journée. A mon avis, cette question n'est pas importante au point de vue de la santé. L'une ou l'autre manière de faire sont bonnes: car, en général, on ne doit pas transpirer pendant la nuit; si cela arrive quand même, c'est un signe que le lit n'est pas en règle. Lorsque vous êtes assis quelque part, vous ne commencez pas à transpirer; la même chose doit avoir lieu pendant le repos de la nuit. Si, en vous réveillant, vous êtes couvert de sueur, c'est votre propre faute, à moins que vous ne soyez malade.

Vivez Ainsi, Sébastien Kneipp, 1892.

La clef des Sociétés secrètes.

La clef des Sociétés secrètes.


Il y a, dans tous les pays, des sociétés secrètes. Elles ont des signes secrets qui permettent à leur membre à se reconnaître entre eux, et aussi, au besoin, de faire entrer dans l'esprit des profanes et des étrangers certaines choses que des mots exprimeraient de façon moins éloquente.

La "Main Noire" d'Amérique.

A New-York, à Chicago, à Philadelphie, et dans beaucoup d'autres grandes cités américaines, opèrent des associations de bandits. L'une des principales est connue sous le nom de la "Main Noire". Elle se recrute à peu près uniquement parmi les Italiens et les Espagnols. Elle ne se propose d'autre but que de vider bourses et coffres-forts.
Un beau matin, quelque riche citoyen, sur lequel la bande a jeté son dévolu, reçoit une lettre marquée d'une main noire. Dans cette lettre, on lui intime l'ordre de verser, à telle date soigneusement fixée, telle somme bien précisée également. S'il n'a pas l'air de comprendre et tarde à s'exécuter, il reçoit une seconde missive. Celle-là porte, en guise d'ornement, deux os entrecroisés que surmonte une tête de mort. L'avertissement est très net et facile à pénétrer pour l'esprit le plus obtus. S'il n'y a encore pas de résultat, un troisième pli arrive, le dernier. Sur le papier, cette fois, est gravé un poignard rouge, image de celui qui, à bref délai, trouera la peau du récalcitrant, s'il s'obstine à ne pas obéir aux ordres de la "Main Noire".




La "Maffia" et la "Camorra" d'Italie.

Depuis des temps immémoriaux, la "Maffia" terrorise l'Italie, rançonnant tout le monde: banquiers, propriétaires, commerçants, cultivateurs. Elle se recrute dans toutes les classes de la société.
Ses membres gardent rigoureusement leurs secrets. S'ils tombent entre les mains de la police, s'ils sont traînés devant les tribunaux, ils se laissent condamner, même à mort, sans rien trahir de leurs serments, les lèvres closes.
Naples a la "Camorra" qui n'est autre qu'une "Maffia". Quelles sont les origines de la Camorra? Très anciennes aussi. Certains disent qu'elle vient des Espagnols, qui l'auraient empruntée aux Maures. Toujours est-il qu'elle a de hautes prétentions. Elle prétend, ni plus ni moins, que c'est elle qui maintient le bon ordre et le respect de la morale, à Naples. Le fait est qu'elle y règne en maîtresse absolue.
Elle s'est conformé aux divisions administratives de la ville, au nombre de douze. Elle a douze sections, sous les ordres de douze chefs ou maîtres. Chacun d'eux travaille comme il l'entend, avec une complète indépendance, dans sa section. Mais quand il y a des mesures d'intérêt général à prendre, les douze se réunissent, en une sorte de conseil suprême, sous la présidence d'un Major, et les décisions qu'ils arrêtent sont obligatoires.
Dans chaque section il y a une salle de réunion, et un bureau financier, où l'on encaisse et où l'on paye. Le maître y vient régulièrement avec son secrétaire. Pour être reçu camorriste, ce qui est un titre d'honneur et une profession des plus lucratives, très recherchée des familles, il faut passer par différentes épreuves. On est d'abord picciotto. On se rend habile au maniement du couteau. Un compagnon dédaigne-t-il de voler, d'opérer lui-même? Le picciotto travaille à sa place. Y a-t-il un assassinat à commettre? Deux picciotti se battent en duel au premier sang. Le triomphateur se substitue au compagnon qui ne veut pas marcher, et reçoit la charge glorieuse d'exécuter la victime désignée. 



Après quoi, il est jugé digne d'être proclamé compagnon lui-même. Sa carrière est alors assurée. Il fait rentrer les impôts, met à contribution les marchands, les joueurs, les étrangers, tous ceux qui ont et qui manient de l'argent. Chaque semaine, il apporte sa collecte au maître, qui en font trois parts: 25 % pour lui, 50 % pour le compagnon; 25 % pour le trésor commun de la "Camorra".
Si vous allez à Naples, gardez-vous de faire fi des camorristes. Il vous en cuirait. Les Anglais, qui sont de grands voyageurs devant l’Éternel et qui ont le souci de se montrer gens pratiques en toutes choses, commencent par prendre leurs précautions, dès l'arrivée. Ils s'entendent avec la "Camorra", font leur prix, paient, et s'en trouvent à merveille.
Les membres de l'Association se reconnaissent entre eux par différents moyens. Après avoir, le jour de sa réception, prêté serment sur un crucifix de fer, le compagnon reçoit deux poignards. Sur le manche de chacun de ces poignards sont gravés des signes mystérieux que le chef change souvent. Un camorriste se demande-t-il, en face d'un inconnu, s'il se trouve en face d'un frère? Il se jette sur lui, le prend à la gorge, de la main gauche, et, de la main droite, tire de sa gaine l'un de ses terribles poignards. Si l'autre est réellement un camorriste, il donne le mot de passe et montre aussi le manche  de ses poignards, pendant que, en signe de camaraderie plus complète encore, tous deux vident leurs poches et font du contenu un tas qu'ils se partagent.


Les "Enfants de la Hache".

En Californie, la société secrète la plus célèbre est celle des "Enfants de la Hache".C'est le nom qu'on lui donne dans le public. Entre eux les "Enfants de la Hache" s'appellent aussi les "Hip Sing Tongs" ou bien les "Suey Sing Tongs". Ce sont des Chinois, qui se proposent surtout de défendre et de protéger ceux de leur race.
Ils ont naturellement, leurs signes particuliers, qui varient, souvent, d'une ville à une autre. En général, ils se reconnaissent à la façon de boire leur thé, de tenir leur tasse, de placer la cuillère dans la tasse ou de l'approcher de leurs lèvres.
Ce qu'on va lire est-il un canard d'Amérique ? Nous sommes fort portés à le croire.

Les "Frères de la Côte".

On raconte là-bas, outre-Atlantique, , et les journalistes impriment dans leurs journaux, que nous possédons en France, une société secrète dont le nom fait beaucoup de bruit dans le monde et qui compte un nombre relativement formidable de membres, plus qu'aucune autre société du même genre: près de trois millions.
Pour notre part, nous ignorions tout cela, avant les révélations américaines. D'après ces révélations, nous avons cherché et contrôlé. Nous n'avons rien découvert.
Il s'agirait de la société des "Frères de la Côte". Pour en faire partie, il faudrait avoir au moins quatorze ans et pas plus de vingt. Elle serait composée exclusivement de jeunes gens élevés chez les Jésuites, les Dominicains, dans les collèges tenus par des congréganistes. Son but serait la propagation de l'athéisme et la destruction de l'Eglise romaine.
Les affiliés portent, paraît-il, tatouées en couleur sur le bras, deux lettres majuscules: A, D, qui signifient: Anti-Dieu.
Il va de soi qu'un second but des "Frères de la Côte" est de soutenir et de défendre leurs droits, en toute occasion.
Ceux qui trahissent leurs serments sont durement châtiés.
On leur sculpte une croix, à coups de couteau, dans la chair du bras, ou bien on leur coupe les lobes des oreilles.
Les lettres A, D, ne sont pas les seules marques dont s'orne la peau de ces messieurs, ils y joignent un croissant d'un rouge vif.




Les chefs ont, de plus, un tatouage spécial à la main droite.
A tous ces signes, les "Frères de la Côte" sont évidemment très reconnaissants.
Ils ont leur quartier général à Paris. Si nos lecteurs, plus heureux que nous, découvraient quelques uns de ces intéressants personnages, nous les prions de vouloir bien donner l'adresse à Mon Dimanche.
Les sociétés secrètes furent surtout prospères et nombreuses en France sous la Restauration.
Le retour des Bourbons avait privé de leurs postes et de leurs traitements une foule de fonctionnaires, d'officiers surtout qui exécraient le nouveau régime et appelaient de tous leurs vœux le retour de Napoléon. Ces mécontents s'unirent en vastes associations secrètes et prirent le nom de carbonari (pluriel du nom italien carbonaro, charbonnier, qui était celui des membres de l'Association formée pour chasser l'étranger du territoire transalpin).
Les carbonari devinrent rapidement nombreux et puissants.
Un grand nombre de députés s'affilièrent à la secte; dès 1822, on comptait en France plus de 60.000 carbonari. L'Association fut organisée en comité locaux nommés vente: le but suprème de tout carbonaro était le reversement de la monarchie.
Le mouvement insurrectionnel, longuement préparé, devait débuter par une sédition militaire à Belfort.
Les conjurés, au dernier moment, furent trahis, la sédition réprimée, son chef, le colonel Caron, fusillé. Par toute la France, les carbonari furent traqués, découverts, jugés, mis à mort ou envoyés au bagne. Ainsi moururent le général Berton, Saugé, Caffé, etc.
Et quatre humbles carbonari, guillotinés le même jour, ont laissé un souvenir ému dans l'imagination populaire: qui ne connait l'histoire touchante et mélancolique des quatre sergents de la Rochelle?

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 7 janvier 1906.

mardi 28 janvier 2014

Bien se vêtir.


Bien se vêtir.

On m'a également demandé bien souvent mon avis sur les caleçons: est-il recommandé d'en porter, et lesquels faut-il préférer? Que les caleçons ne soient pas nécessaires en été, c'est ce qui ne fait point de doute; un pantalon de drap doit développer assez de chaleur; quiconque n'est pas réchauffé suffisamment en été, ne le sera pas plus s'il ajoute un caleçon. Les pantalons de drap ne doivent pas être collants. Quant au caleçon de laine, j'ai vu arriver ici beaucoup de malades qui, tout en portant sous le pantalon de drap un ou deux ou même trois caleçons de laine, se plaignaient avant toute chose de manque de chaleur, d'une sorte de frissonnement continuel, même dans une chambre chauffée. 
Quand, en hiver, le froid devient intense et que le pantalon de drap ne suffit plus, alors j'accorde volontiers et je recommande les caleçons de toile ... Les caleçons de laine rendent le bas du corps si délicat, que l'air froid et en général chaque abaissement de la température provoquent facilement des rhumatismes articulaires et des crampes; alors c'en est fait du bien-être, de la vie agréable.
Pour ce qui est particulièrement des pantalons collants, qui sont de mode aujourd'hui, je suis bien aise de n'être pas tenu d'en porter. Sans compter que les jambes et cuisses sont comme dans un étau, l'endurcissement ne peut avoir lieu, et l'on devient plus susceptible aux rhumatismes. L'air pénètre facilement dans un pantalon large, adoucit la température naturelle et procure aux jambes un calorique qui convient mieux. 
Voilà ma manière de voir sur ces pièces d'habillement. En attendant, je laisse à chacun la liberté de faire à sa guise.

Vivez Ainsi, Sébastien Kneipp, 1892.

Expérience amusante.


Faire de la fumée sans feu.

"Il n'y a point de fumée sans feu", dit-on. Parmi tous les proverbes, celui-ci est un de ceux que tout le monde admet sans contestation. Cependant une expérience de chimie, bien simple, prouve qu'il est possible de faire de la fumée sans feu.
Prenez deux soucoupes et placez-les l'une après l'autre; dans la première, versez de l'ammoniaque ou alcali volatil, et dans la seconde, de l'acide chlorhydrique ou esprit de sel. vous verrez bientôt s'élever dans l'air un nuage blanc, épais, qui est une véritable fumée.
L'ammoniac et l'acide chlorhydrique sont deux gaz que l'on trouve dans le commerce sous forme de dissolution dans l'eau. Ces dissolutions, abandonnées à l'air libre, laissent échapper peu à peu une partie de leur gaz, qui se rencontrent dans l'air, et se combinent pour former un sel solide (le sel ammoniac) en particules d'une extrême finesse, présentant l'aspect d'un nuage de fumée.
N'oubliez pas toutefois que l'ammoniac et l'esprit de sel doivent être maniés avec la plus grande précaution. L'esprit de sel, en effet, lorsqu'on le renverse sur les vêtements, produit des taches rouges, qu'on peut faire disparaître, il est vrai, avec de l'alcali volatil.

Mon Journal, recueil hebdomadaire pour les enfants, 17 mars 1894.

Pour ceux qui n'aiment pas les treize.

Pour ceux qui n'aiment pas les treize.

Il y a beaucoup de personnes qui n'aiment pas le chiffre 13: elles ne seront pas satisfaites alors si on leur donne la nouvelle pièce de 25 cents, autrement dit 1,25 francs, qu'on va employer aux Etats-Unis.
Cette pièce porte en effet un aigle entouré d'étoiles et tenant dans une de ses serres des flèches, dans l'autre des branchages. Or cet aigle a treize plumes à la queue, treize plumes également à chacune de ses ailes; il tient treize flèches d'une part, et treize feuilles de l'autre. Il est entouré, en outre, de treize étoiles.
Enfin la pièce porte en relief l'inscription quarter dollar qui signifie quart de dollar, le dollar étant la plus grosse pièce américaine ressemblant à notre pièce de cinq francs; et ces deux mots contiennent treize lettres.
Il y a même sur cette pièce la devise américaine en latin: E pluribus unum, "Seul entre beaucoup", et cette devise est formée également de treize lettres.

Mon Journal, recueil hebdomadaire pour les enfants, 25 novembre 1893.

Influence de l'eau sur la santé.


Influence de l'eau sur la santé.

L'eau est, et reste, depuis l'enfance jusqu'à le fin de la vie, un excellent moyen de conserver et d'affermir l'état de santé, la vigueur du corps. Tout d'abord elle enlève l'excédent de chaleur provenant du travail ou de tout autre cause, excédent qui est nuisible à l'organisme. En second lieu, l'eau empêche l'accumulation trop considérable de la graisse et des mauvaises humeurs: un hydropathe raisonnable ne sera jamais trop gras, et les applications d'eau ne permettront pas que des principes morbides se déposent dans les coins et les recoins de l'économie humaine.Troisièmement, l'eau froide fortifie le corps en général et les différents membres en particulier. De même que le moulin est mis en mouvement par la nappe d'eau, ainsi l'organisme de l'homme est activé dans son fonctionnement par les applications d'eau. Les troubles de la circulation du sang, très préjudiciables à la santé, sont dissipés le mieux par l'emploi de l'eau froide, qui rétablit et maintient l'ordre dans le corps. Non seulement l'eau enlève le calorique superflu, elle remédie aussi au défaut de calorique. Bref, s'il existe un préservatif contre les maladies, c'est bien l'eau, qui, comme une sentinelle vigilante, ne laisse pas facilement pénétrer les éléments nuisibles dans l'organisme humain.
Vous demanderez, peut être, ami lecteur, comment vous devez employer l'eau pour atteindre ce but. Voici ma réponse:
Il y a 30 ans, j'ai conseillé à un fonctionnaire qui, selon l'avis des médecins, était affecté d'une maladie de foie et souffrait d'hémorroïdes; pour comble de malheur, il n'était pas capable d'avaler une médecine quelconque; je lui ai conseillé, dis-je, de faire deux ou trois fois par semaine une promenade fatigante, de façon à transpirer, à se mettre tout en eau et à accélérer fortement le cours du sang; puis de se rendre lestement à la buanderie, d'y prendre un bain froid d'une demi-minute, mais de ne s'enfoncer dans l'eau que jusqu'à la région épigastrique et laver rapidement le haut du corps; enfin de remettre les habits en toute hâte et de se donner du mouvement jusqu'à ce qu'il fût entièrement sec et réchauffé. Autant il en coûtait à cet employé, dans le début, de surmonter ses préjugés par rapport à l'application de l'eau froide à l'état de transpiration, autant il mettait de l'entrain, dans la suite, à faire cette opération. Il atteignit un âge très avancé.
Un prêtre à la fleur de l'âge se trouvait accablé de différentes maladies: il en fut délivré par l'application réglée de l'eau froide. Plus tard, pour le mettre à l'abri des infirmités et lui permettre de remplir sans inconvénient toutes les fonctions de son saint ministère, je lui ai conseillé de prendre tous les matins, dès après le lever, un demi-bain ou même un bain entier, mais d'une demi-minute seulement. Cette pratique affermit sa santé et lui conserva toute sa vigueur.
Je pourrai citer un autre ecclésiastique qui, pendant 20 ans, sortait chaque nuit de son lit pour se rendre à la buanderie, prendre un demi-bain, et retourner ensuite à son lit. Au moyen de ces bains, il conserva la fraîcheur et la force de son corps.
Quiconque n'a pas l'occasion de prendre un demi-bain ou un bain entier, pourra tirer partie des lotions froides: car elles aussi enlèvent le calorique superflu, développent la chaleur naturelle trop faible et aident toute la nature à fonctionner sans entrave.
Une jeune fille, toujours souffreteuse et n'arrivant pas à se faire guérir, recouvra sa santé et ses forces en se lavant nuitamment le corps entier, 2 ou 3 fois par semaine, et en prenant 2 fois par semaine, également de nuit, un bain de siège d'une minute.
Ce que nous venons de dire fait voir clairement quelle haute importance l'eau possède pour l'affermissement de la santé et pour la préservation des maladies. Aussi ne saurait-on assez recommander l'usage de l'eau en vue de l'hygiène de notre corps.

Vivez Ainsi, Sébastien Kneipp, 1892.

Nettoyage des rues à la machine.

Nettoyage des rues à la machine.


Nous avons donné, il y a quelque temps, des détails sur l'importance du travail continu auquel il faut se livrer dans les grandes villes, et notamment à Paris, pour maintenir les rues à peu près en bon état de propreté: il faut lutter contre les causes multiples qui entraînent la production de déchets, de détritus, d'immondices innombrables souillant le sol des rues. Tout particulièrement, dans les rues, il faut évacuer les boues résultant de l'usure des chaussées, les immondices provenant de la circulation et du stationnement des chevaux sur ces mêmes chaussées. En outre, le nettoyage proprement dit a besoin d'être accompagné d'un arrosage: tantôt cet arrosage a simplement pour but d'abattre les poussières, de les alourdir pour qu'elles ne se soulèvent pas en nuage; tantôt l'arrosage doit nettoyer par lui-même la chaussée, qui est "graisseuse", à laquelle les boues se collent, étant particulièrement difficile à enlever; dans ce cas, il s'agit d'un véritable lavage soit précédant soit accompagnant le balayage.
Pour coûter fort cher, pour nécessiter à Paris, par exemple, une armée d'employés que l'on paye cher, étant donné l'effort minime qu'on leur demande et les connaissances professionnelles infimes dont ils ont à faire preuve; le nettoyage des voies urbaines ne se fait encore le plus généralement que suivant des procédés très primitifs et avec des résultats forte médiocres. Pour le balayage, à la vérité, on a imaginé depuis pas mal de temps, des balayeuses mécaniques tirées par un cheval: sortes de chariots spéciaux, à l'arrière desquels et obliquement se trouve un balai cylindrique tournant, mis en rotation par le mouvement même des roues du chariot. Nous n'en sommes plus heureusement à l'époque où le balayage de la chaussée s'effectuait à bras d'homme; ce travail ne se fait plus de la sorte que pour les trottoirs. On a essayé de perfectionner la balayeuse mécanique en la dotant de ce qu'on appelle des rabots en caoutchouc, des lames de caoutchouc tout à fait analogues à celle que les cantonniers de la Ville promènent sur les trottoirs et sur le bitume, pour en chasser l'eau et les boues. Ces lames de caoutchouc nettoient de façon remarquable; et un ingénieur, M. Mazerolle, avait eu l'idée de compléter la balayeuse ordinaire à balai par des raclettes en caoutchouc fixées au châssis et poussés par la machine au contact même du bitume. Quoi qu'il en soit, ces véhicules à chevaux ne circulent que fort lentement en soulevant énormément de poussière sur leur passage; et il ne faut pas songer à les compléter par un réservoir d'eau qui arroserait la chaussée avant que le balai passe: l'ensemble pèserait beaucoup trop lourd pour un cheval, même peut être pour deux. On a la ressource de faire arroser à la lance, c'est à dire à bras, par les cantonniers, avant le passage de la machine; mais déjà cette dernière gène considérablement la circulation, et c'est bien autre chose s'il faut que la rue soit barrée par les tuyaux d'arrosage. D'ailleurs, l'arrosage à la lance inonde la chaussée et forme des flaques d'eau, quand il ne dégrade pas le sol et ne transforme pas la poussière en une boue abondante; le jet d'eau puissant sortant de la lance est au surplus peu maniable et peut éclabousser assez facilement  les piétons.
C'est pour toutes ces raisons que l'on a renoncé à l'arrosage à la lance chaque fois qu'on l'a pu et que l'on a mis à contribution des tonneaux attelés d'un cheval, tout comme les balayeuses mécaniques automobiles. Ce tonneau ne peut circuler qu'à allure assez lente, à cause du poids d'eau que contient le récipient métallique auquel on réserve le nom de tonneau, quoiqu'il en ait plus guère la forme. Ce récipient se vide néanmoins assez vite et il faut que l'appareil retourne à une prise d'eau pour aller se ravitailler, ce qui fait perdre beaucoup de temps. Nous n'avons pas besoin de dire que ce tonneau circulant lentement au milieu des voitures, est lui aussi une gène pour la circulation. mais ce qui est impossible pour le muscle humain, même aidé du muscle animal, pour les balayeuses hippomobiles, comme on les appelle souvent, pour les tonneaux d'arrosage également traînés par des chevaux, ce qui est encore plus impossible quand il s'agit de réunir sur un même véhicule un récipient contenant de l'eau et un balai automatique; tout cela devient parfaitement possible avec la mise à contribution de la machine et des moteurs automobiles, qui font merveille à tous égards.
Déjà toute une série de villes plus ou moins importante possèdent des arroseuses et des balayeuses automobiles. C'est le cas bien entendu pour Paris, qui devait disposer jusqu'ici d'une armée véritable de balayeuses à chevaux et de tonneaux d'arrosage du même genre, ne réussissant que très imparfaitement à faire une besogne peu satisfaisante elle-même. il en est de même à Saint-Ouen, dans la banlieue de Paris, à Versailles, au Havre, à Deauville, à Monte-Carlo, ainsi qu'à Berlin, à New-York et dans beaucoup de villes des Etats-Unis. A Berlin, on a poussé le luxe jusqu'à employer un véhicule électrique, jouant le rôle simultané d'arroseuse et de balayeuse. Le courant nécessaire au moteur de la voiture est fourni par des accumulateurs disposés dans une boite spéciale sur le véhicule. C'est tout à fait à l'avant du véhicule que se trouvent deux dispositifs latéraux permettant de projeter l'eau en avant du véhicule et sur les côtés; si bien que le balai qui est à l'arrière de cette voiture électrique attaque des poussières suffisamment humidifiées pour qu'elles ne volent point dans l'air.
A Paris, il y a déjà un certain temps que des balayeuses automobiles et des balayeuses-arroseuses également automobiles, ont été mises en essai. La maison de Dion-Bouton en a fourni  un certain nombre dont le moteur à une puissance de 10 chevaux. Ce type  de véhicule municipal est doté de deux systèmes d'arrosage: il y en a un qui est un véritable pulvérisateur installé exactement à l'avant du balai, et auquel une petite pompe commandée par le moteur de la voiture envoie l'eau; d'autre part, il y a deux distributeurs arroseurs, qui peuvent largement mouiller la chaussée par les grandes chaleurs, quand il s'agit d'abattre la poussière pour longtemps, de la rendre très humide. Quand celui-ci fonctionne comme arroseuse et balayeuse simultanément, il marche à une allure de 9 kilomètres, qui est beaucoup plus du double, presque le triple de l'allure des arroseuses et balayeuses ordinaires traînées par des chevaux.
Tout récemment, une maison connue spécialement pour la construction des appareils d'arrosage et de balayage jusqu'ici employés dans les services municipaux des grandes villes, la maison parisienne Durey-Sohy, qui pendant des années et des années a fourni à Paris les tonneaux d'arrosage et les balayeuses à chevaux, vient de combiner une arroseuse-balayeuse automobile qui est le dernier cri, pour employer le terme à la mode. 



Ici l'on s'est contenté d'un moteur d'une douzaine de chevaux, disposé à l'avant du véhicule, de visite très facile et commandant la marche de la voiture aussi bien que la rotation du balai, ou, si cela est nécessaire, la projection de l'eau. La machine comporte un système d'arrosage à pulvérisation, qui permet d'humecter les poussières, afin d'empêcher leur mise en suspension dans l'air. L'arrosage donne aussi le moyen de balayer les boues les plus épaisses, en les rendant plus liquides, la quantité d'eau versée sur le sol pouvant être à volonté faible ou abondante. Ici aussi, naturellement, nous trouvons une pompe aspirant l'eau dans le récipient qui est à l'arrière du véhicule (récipient métallique qui paraît très bien dans la photographie que nous donnons), et la comprimant dans la rampe munie de pulvérisateurs placée devant le balai. Une balayeuse-arroseuse automobile de ce genre ne pèse pas plus de 2.000 kilos, et elle balaye en une seule fois sur une largeur de 1.80 m. D'ailleurs, on peut avoir avantage à employer des arroseuses automobiles qui ne sont qu'arroseuses, qui ne possèdent pas de balai, quand on est dans une ville où il y a de vastes surfaces à arroser, de façon pour ainsi dire constante, durant les journées d'été. Alors l'arroseuse automobile peut parcourir les rues et les avenues à grande vitesse, tout en ayant le temps de mouiller très suffisamment la surface des avenues.
A première vue, il est difficile d'imaginer la supériorité d'un engin de cette sorte sur les appareils traînés par des chevaux. Pour une arroseuse automobile, on a calculé qu'elle peut effectuer autant de travail dans une journée, que huit tonneaux d'arrosage qui seraient traînés par des chevaux; elle n'a besoin que rarement de renouveler son approvisionnement d'eau, et elle arrive à arroser dans une heure au moins 20.000 mètres carrés. Sans doute, il faut payer relativement cher le mécanicien, le chauffeur qui conduit cet appareil, et l'aide qui lui est nécessaire; néanmoins, on arrive à réaliser une économie de 60 pour 100 peut être sur le prix de l'arrosage hippomobile. Pour une balayeuse automobile, elle balayera facilement dans son heure 11.000 mètres, ce qui correspond au travail de quatre balayeuses ordinaire à chevaux, et l'économie est ici de 50 pour 100.

                                                                                                          Daniel Bellet.


Le Journal de la Jeunesse, premier semestre 1913.

lundi 27 janvier 2014

La clôture de la Conférence de la Paix.

La clôture de la Conférence de la Paix.

Les travaux de la Conférence de la Paix sont terminés, et les délégués, comme les officiers de Marlborough, s'en vont "chacun chez soi" les uns avec la pure gloire d'avoir bavardé pour l'humanité, les autres avec le sentiment très net d'un lamentable échec.
Ce n'est pas la faute de l'envoyé du Tzar et des délégués français, si les assises de la Haye ont servi à prouver une fois de plus que l'homme n'a pas de plus mortel ennemi que l'homme; ces distingués diplomates ont tout tenté pour rendre la guerre difficile sinon impossible.
Mais il a fallu compter avec la belliqueuse Germania et la non moins turbulente Albion qui ont mis des pointes de casques et des balles dum-dum dans les roues.
L'empereur Guillaume, qui ne manque jamais une occasion, et Dieu sait si elles sont nombreuses, d'affirmer son ardent amour pour la paix, a repoussé le projet d'arbitrage international proposé par la Russie et la France... et d'un.
L'emploi des balles explosives, et des engins s'élargissant au contact réprouvé par la grande majorité des états, restera dans sa technique des batailles, grâce aux théories anglaises qui les reconnaissent comme de puissants auxiliaires de la civilisation.
De leur séjour à la Haye, les délégués garderont un souvenir attendri de cette jeune reine Wilhelmine qui se réjouissait déjà à la pensée que la terre de liberté sur laquelle elle règne, allait voir fleurir le fameux rameau d'olivier.



Quel présent à mettre dans une corbeille princière que la ratification d'un traité entre les nations, s'engageant à déposer les armes! L'Europe n'a pas voulu faire ce cadeau à la jeune souveraine. Tans pis!
Pendant leur séjour dans la capitale des Pays-Bas, les envoyés des puissances ont été l'objet des attentions les plus délicates de la part de la famille royale. La reine Emma a secondé sa fille, pour donner un exemple de cette hospitalité hollandaise, si large, si bienveillante, dans sa froide simplicité.
Pourquoi l'ambiance pacifique qui est la caractéristique du pays de Groote, n'a-telle pas triomphé des calculs de M. de Münster et des habilités de Pauncefote?
Germains et Anglo-Saxons ne pourraient-ils pas vivre sans les grands chocs des batailles? Les Lieds romantiques ne valent-ils pas les strophes enflammées du Wacht am Rhin ?
L'ère des bergerettes n'est pas encore ouverte, et, avant que le dernier fusil soit accroché dans quelque musée ignoré comme un objet de curiosité, il coulera encore bien du sang sur les champs désolés du vieux monde.

                                                                                                                 J. C.

La Vie Illustrée, 27 juillet 1899.

Rions un peu.

Bains de mer.






La Vie Illustrée, 10 août 1899.

La catastrophe de Juvisy.

La catastrophe de Juvisy.

Un accident de chemin de fer qui rappelle la catastrophe de Saint-Mandé, a eu lieu samedi soir vers dix heures à la gare de Juvisy. 
Le train 29 bis, parti de Paris pour le Croisic, a été tamponné par le train régulier 29, parti pour la même destination, cinq minutes avant le premier, à neuf heures quarante.
Le choc a été terrible, un wagon de troisième, bondé de voyageurs, a été littéralement mis en miettes.
L'accident s'est produit au milieu d'un orage formidable, les cris des blessés, les râles des mourants se mêlaient au grondement du tonnerre.



Cette scène macabre puissamment mise en relief par les éclairs qui zébraient le ciel de larges bandes rouges, est inoubliable. Ceux qui ont été les témoins de la collision en gardent une forte impression d'horreur et de tristesse.
La population de Juvisy, les pompiers et le personnel de la Compagnie, dans cette pénible circonstance, ont fait leur devoir.



Notre dessinateur, M. Carrier, qui s'était rendu en toute hâte sur les lieux de la catastrophe, a retracé d'un crayon habile les émouvantes péripéties de cet effroyable drame, malgré les injonctions brutales du chef de gare qui, au nom du Ministère de la Guerre, interdit de photographier ou de dessiner à l'intérieur des gares.

La Vie Illustrée, 10 août 1899.

dimanche 26 janvier 2014

Chemin de fer atmosphérique.

Chemin de fer atmosphérique.


On a construit, il y a quelques années à New-York (Etats-Unis), un petit chemin de fer à pression atmosphérique, menant de Warren-Steet à l'extrémité la moins élevée de la cité, près de la rivière du Nord.




Le tunnel, de forme cylindrique, porte à sa partie inférieure deux rails sur lesquels se meut un véhicule ou wagon qui a presque le même diamètre que le tunnel à l'intérieur duquel il circule. Ce wagon est mis en mouvement, non, par la vapeur, mais par la seule pression de l'air.
On doute encore que ce système de locomotion, qui a été aussi essayé à Londres, puisse être appliqué à de grandes lignes.



A Paris, l'administration des lignes télégraphiques a fait l'essai d'une communication, à l'aide de l'air comprimé, entre les deux stations du Grand-Hotel et de la place de la Bourse. Un tube de 1.100 mètres de longueur et de 0,65 m de diamètre relie, à chacune de ses extrémités, deux chambres qui servent à introduire dans le tube ou à en extraire un piston porteur de dépêches. Ce piston, de forme cylindrique, n'est autre chose qu'une boite fermée par un bout, et munie de l'autre d'un couvercle mobile: c'est à l'intérieur que les dépêches, mises sous enveloppe, sont placées. La compression de l'air, qui met en mouvement ce piston chariot, s'opère à l'aide de la pression de l'eau des réservoirs de la Ville. Le piston, chassé dans le tube par la force de l'air comprimé, arrive à destination en 90 secondes, ce qui donne la vitesse moyenne de 12 mètres par seconde. Le Pneumatic Dispatch de Londres a pour agents l'air comprimé qui pousse en avant, et aussi la raréfaction de l'air qui détermine le retour.

Magasin Pittoresque, 1879.

Louise de Savoie.

Louise de Savoie.

  Nous reproduisons une médaille représentant la régente Louise de Savoie, mère de François 1er. 



Il y a quelque chose de curieux dans les titres qu'on y lit de "duchesse de Valois" et "comtesse d'Angoulême". En effet, le titre de duchesse de Valois appartenait encore, en 1520, à sa belle-sœur Jehanne d'Orléans, femme de Charles de Taillebourg, à qui il avait été donné, en 1516, par François 1er son neveu. C'est bien ainsi que l'appelle Louise de Savoie elle-même dans ses Mémoires: "Ma sœur de Taillebourg, à présent duchesse de Valois" dit-elle en propres termes.
Par contre, à partir de 1616, le comté d'Angoulême était érigé en duché (P. Anselme, Histoire générale de la maison de France, tome I), et il serait étrange que postérieurement à cette date l'orgueilleuse Louise de Savoie se fût contentée du titre de comtesse. Il y a là un petit problème historique sur lequel la publication de cette médaille attirera peut être l'attention.
Nous n'avons point à faire ici la biographie de cette princesse, dont le nom bien connu est mêlé à quelques-uns des événements les plus importants de l'histoire de François 1er. Donnons seulement quelques dates. Louise de Savoie naît à Pont-de-l'Ain en 1476; elle est mariée en 1487, à Charles d'Orléans, comte d'Angoulême. Son père n'était alors qu'un seigneur peu important; il était comte de Baugé et seigneur de Bresse; il lui donna trente mille livres tournois pour tous droits. Mais, par la mort successive de Charles VIII et de Louis XII, son fils François 1er se trouva, en 1515, l'héritier de la couronne de France. Elle fut régente du royaume plusieurs fois pendant le règne de son fils; sa politique fut quelque fois habile, en particulier dans la négociation de la paix des dames. Mais les contemporains s'entendent à reconnaître qu'elle se laissa trop souvent conduire par ses seuls intérêts et par ses passions. "Elle estoit dame absolue en ses volontez, dit Pasquier, desquelles, bonnes ou mauvaises, elle vouloit estre creue."
On remarquera la coiffure que porte ici Louise de Savoie: c'est celle des veuves. Malheureusement, la médaille ne peut nous indiquer la couleur. Ses prétentions s'élevèrent-elles jusqu'à porter le deuil en blanc, privilège qui n'est accordé qu'aux veuves des rois de France? On sait que de là vint le nom de reines blanches, donné quelquefois aux reines douairières. Quelques auteurs cependant ont pensé que ce nom était un souvenir de l'excellente administration de la régente Blanche de Castille, mère de saint Louis et qu'il eut là dans la suite une sorte d'hommage rendu par les reines veuves à celle qu'elles devaient prendre pour modèle.

Magasin Pittoresque, 1879.

Chronique du Journal du Dimanche.

Chronique.

Les ailes que portait le dieu Mercure étant devenues l'attribut des voleurs, il n'est pas étonnant que, en dépit de tant de police, ils continuent leur carrière, et passent par dessus le tricorne de tous les sergents de ville.
Voici, selon nous, un des plus admirables tours de ces messieurs:
Un individu, de quarante ans environ, en paletot, casquette et moustaches, se présente chez madame B..., fabricante d'orfèvrerie, rue de l'Arbre-Sec. Il se dit chargé d'acheter six couverts pour une personne de la rue de Savoie. On s'empresse de lui montrer ce qu'il y a de mieux en ce genre, et il fait son choix. Le prix est fixé à deux cent cinquante-quatre francs. "Avant de les solder, dit l'individu, je désirerais les faire voir à la personne qui les achète; veuillez me faire accompagner par un de vos commis avec la facture acquittée."
Cette demande paraissant naturelle, l'acquéreur et le commis partent ensemble pour la rue de Savoie.
Arrivés devant la maison qui porte le numéro 16, ils entrent et montent chez le docteur B... L'individu entre chez le médecin en disant à Jules D..., l'employé de la maison d'orfèvrerie, de l'attendre dans l'antichambre. Une fois dans le cabinet de consultation, le voleur se plaint au docteur de quelque léger mal; puis, après avoir reçu l'ordonnance, il sort par la porte opposée à celle où il est entré, en emportant les couverts qui n'étaient pas sortis de sa poche.
Un instant après, on introduit à son tour le commis chez le docteur. Celui-ci attend que le jeune homme fasse connaître sa maladie; le commis attend que le médecin paye les couverts. On est quelque temps sans rien dire, puis tout s'explique; on court après l'individu en casquette et les couverts, mais on ne trouve plus rien.
Voici une autre escroquerie, qui frise le scandale:
Une dama de Montpellier, fort riche et fort dévote, était atteinte d'une maladie mortelle. Un frère du couvent des Carmes, qui fréquentait la maison, lui dit un jour qu'il venait d'écrire à la sainte Vierge, pour qu'elle procurât à la malade quelque consolation en ses souffrances; il avait fait parvenir sa lettre par l'entremise d'un frère de sa maison, récemment trépassé.
La sainte Vierge avait répondu par la même voie. Elle donnait toutes sortes de conseils salutaires à la malade et, entre autres, l'engageait à faire des dons d'argent et d'argenterie au couvent des Carmes.
La correspondance continua, et, à chaque lettre, la dame, selon les bons avis qu'elle en recevait du ciel, redoublait ses libéralités.
Mais l'affaire s'ébruita, et la justice en prit de l'ombrage. Un avocat s'empara de la cause, et rédigea un mémoire dans lequel les manœuvres du frère Carme étaient de point en point révélées.
Le mémoire est en ce moment soumis au tribunal, et l'autorité ecclésiastique fait tous ses efforts pour la retirer.
On ne sait comment l'affaire finira; en attendant toute la ville s'en occupe.
Il paraît que la crédulité humaine n'a pas de bornes; on en trouve un autre exemple non moins extraordinaire.
Dans le canton de Gençay (Vienne), une jeune fille nommée Virginie Frère, et douée d'une beauté remarquable, se donnait comme illuminée. Elle disait avoir des relations immédiates avec le ciel, et, sur sa demande, les anges répondaient à tout ce qu'on voulait savoir sur la terre. Cette visionnaire se signalait par ses toilettes éblouissantes, dans lesquelles l'ampleur des jupes figurait au premier rang.
Mais, parmi ceux qui voulaient la consulter et rétribuaient généreusement ses révélations, il se trouvait un beau jeune homme. Virginie s'en éprit subitement, et jeta tout à coup sa divinité aux orties pour se marier comme une simple mortelle.
Le mariage vient de se conclure et fait grand bruit dans cette province.
A propos des beautés en crinoline, ajoutons ceci:
Une dame, majestueusement mise, passait tous les jours à la barrière du Maine, sans que les commis de l'octroi la remarquassent autrement que pour admirer sa superbe rotondité de jupe, sur laquelle brillaient les plus beaux reflets de la soie.
Mais un jour, un cri s'échappe de dessous cette jupe; et dans ce cri, il est impossible de méconnaître la voix perçante d'un poulet.
Aussitôt la crinoline est conduite au poste, et visitée; on trouve un cerceau parfaitement garni d'oies, poulardes et chapons. Une semblable provision entrait tous les jours à Paris sous les ailes de la belle dame et arrivait sans encombre, lorsque le malheur avait voulu qu'on y joignît un poulet en vie.
Si l'on joint à cela le tour de cette immense crinoline, qui, dans un de ces derniers jours de grand vent, a soulevé de terre une dame et lui a fait craindre d'être emportée sur les toits, on pourra conclure que, depuis quelques temps, les jupes à ballon se montrent bien coupables, et qu'ils serait grand temps d'en finir avec elles.

                                                                                                            Paul de Couder.

Journal du Dimanche,15 février 1857.

samedi 25 janvier 2014

Ceux dont on parle.

Auguste Rodin.


Auguste Rodin est né à Paris en 1840. C'est dire qu'il est aujourd'hui en pleine activité de sa force physique, en plein établissement de ses facultés intellectuelles. Très jeune, il entra chez Barye; mais comme la plupart des maîtres en qui s'agite le monstre créateur, Barye ne savait pas enseigner. Il était d'apparence timide, silencieux et triste. Et la jeunesse aime les gestes hardis, la parole sonore, la joie. Il ne semble pas que ce séjour chez Barye, depuis tant admiré, ait fait sur l'esprit de M. Auguste Rodin une impression autre que celle d'un prodigieux et invincible ennui. Aussi abandonne-t-il très vite cet atelier pour entrer chez Carrier-Belleuse. Aujourd'hui encore, cette incompréhension de jeune homme est, pour lui, un sujet de mélancolique étonnement, et presque de remords. De chez Cartier-Belleuse, il alla en Belgique. Et là, durant plusieurs années, il paya, talent comptant, l'hospitalité d'un sculpteur belge, dont le nom, je pense, est, depuis longtemps, retourné à l'oubli, qui était chargé de décorer la Bourse de Bruxelles. Au nombre des figures dont se compose cette décoration, celles de Rodin sont facilement reconnaissables à leur différence. Un œil amoureux de la forme ne s'y trompe pas. Il va vers elles, tout de suite, comme, dans une foule d'indifférents, on va vers l'ami aussitôt aperçu.



Durant qu'il travaillait obscurément pour les autres, Augustin Rodin ne perdait pas son temps. Il apprenait à vaincre les difficultés de son art, et il se fortifiait l'esprit. Curieux de tout ce qui vit, de tout ce qui pense, ayant de la nature et de ses harmonies un sens très pénétrant, il se donnait, tout seul, par des lectures abondantes et choisies, par des habitudes d'assidue réflexion et d'observation profonde, il se donnait une des plus fortes éducation que je sache. Ses amis savent quelle âme ardente, quelles énergies mentales, quel souple organisme cérébral, se cachent sous la tranquillité douce et si fine, presque rusée, de son masque. Pour ma part, je ne connais pas de joie plus vive qu'une promenade dans la campagne avec ce silencieux et admirable ami, en qui la nature semble s'être complue à déposer ses secrets les mieux gardés. 
Car M. Auguste Rodin ne borne pas son action à la recherche de la vie plastique. De la ligne et du modèle, il remonte au mouvement, du mouvement à la volonté et à tous les phénomènes passionnels ou psychiques qui en découlent. Cela devait être ainsi pour qu'il pût réaliser l'oeuvre qu'il allait entreprendre. Et M. Rodin aura été non seulement le plus grand statuaire de son temps, il en aura été aussi l'un des penseurs les mieux avertis des souffrances de l'âme humaine et des mystères de la vie. Non seulement, il exprimera avec une puissance toujours renouvelée, la logique beauté des formes mais avec de la glaise, de la cire, du bronze et du marbre, il modèlera de la passion et créera de la pensée.

                                                                                                              Octave Mirbeau.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 29 mars 1903.

A la cloche de bois.

A la cloche de bois.




Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 29 mars 1903.

M. Georges Berger.

M. Georges Berger.

Depuis tantôt trois années que l'on s'occupe aux quatre coins du monde de préparer les merveilles que nous verrons demain à l'Exposition de 1889, si l'on a quelque idée nouvelle à présenter, quelque intéressant projet à faire valoir, quelque difficulté à résoudre, on vous dit: "Voyez donc M. Georges Berger." Et lorsqu'on sort de l'élégant pavillon du Champs de Mars, où l'aimable Directeur général de l'exploitation tient ses assises quotidiennes, on est satisfait et charmé. On comprend pourquoi l'Exposition universelle de 1889 sera le grand succès pacifique de la fin du siècle, malgré la dureté des temps, en dépit des circonstances difficiles qui ont accompagné ses débuts.
Tempérament français dans la plus chevaleresque acceptation du terme, esprit fin et parisien, caractère bienveillant et accueillant, M. Georges Berger possède et réunit tout cela. savant distingué, artiste délicat, il est l'homme passionné, par excellence, pour tout ce qui peut servir le progrès, l'honneur et la patrie. Nulle tâche pénible ne le fait reculer dans cette voie; des travaux dont le seul programme découragerait tout autre homme, possédant sa haute et indépendante situation, le trouvent prêt, infatigable, acharné vers le but à atteindre. Il ne faut chercher d'autre causes à l'estime qui entoure son existence irréprochable, à la notoriété que possède son nom dans le monde entier et à la juste reconnaissance que lui témoignent unanimement ses concitoyens, sans distinction de caste ou de parti.




M. Georges Berger est né en 1834. Élève distingué du lycée Charlemagne il se sentit attiré vers les études techniques et conquit à l'école nationale des Mines, de Paris, le diplôme d'ingénieur civil.
Deux années de pratique à la direction des travaux du chemin de fer du Nord furent le début de sa carrière. Mais il fallait un champ plus large à l'activité débordante du jeune ingénieur désireux d'apprendre, de voir, de comparer les choses et les hommes. Il se mit à voyager et voyagea un peu partout, en Europe, aux Etats-Unis, recueillant des notes précieuses pour ses travaux futurs, se créant dans tous les points du monde les relations d'estime et d'amitié qu'il si heureusement mises au service de son pays comme Directeur général de notre Exposition universelle.
Depuis 1867, en effet, époque où il débuta sous la savante direction de M. Le Play dans ce qu'on pourrait appeler la carrière des Expositions universelles, M. Georges Berger a été mêlé, comme directeur ou commissaire général, à toutes les grandes entreprises internationales de ce genre, intéressant la France. On ne s'imagine guère, en général, ce qu'il faut de tact, de science et de méthode pour mener à bien les colossales organisations de ce genre, éviter les froissements dans la mise en contact des intérêts les plus importants et les plus divers, apprécier les mérites des travaux les plus inattendus, tenir en un mot, d'une main ferme, tout ce qui symbolise le progrès et le fait valoir. C'est cette tâche difficile que M. Georges Berger s'est tracée et dans laquelle il est passé maître; il en aime l'accomplissement comme tous les grands esprits aiment à faire ce qu'ils savent faire bien. A la veille de 1889, il était riche, honoré, connu: rien ne l'obligeait à quitter ses chères occupations artistiques, à renoncer au repos, à se jeter dans le flot sans cesse renaissant des préoccupations et des fatigues. il a senti que l'honneur et le prestige de la France étaient en jeu et n'a pas hésité à reprendre son glorieux collier des Expositions précédentes. En le faisant, il a donné une grande et utile leçon aux ambitieux vulgaires, étonnés de son désintéressement, et à ceux qui, parvenus au faîte de la réputation et des honneurs, font passer leur tranquillité personnelle avant l'obligation sacrée de travailler toujours et quand même pour le relèvement et la prospérité de la Patrie.
M. Georges Berger appartient à la Presse par le rôle important qu'il a joué pendant plusieurs années comme critique d'art au Journal des Débats. Il appartient à l'enseignement artistique par le cours remarquable qu'il a professé, pendant trop peu de temps, au gré de ses nombreux élèves, comme suppléant de Taine à l'Ecole des Beaux-Arts.
En 1881, le savant, l'homme technique, l'ingénieur, reparurent brillamment en lui, pour ouvrir toutes grandes à l'électricité, les portes de l'Industrie. On se souvient encore de cette belle exposition d'électricité qui fut une révélation et qui excita l'enthousiasme général. Les septiques doutaient: "Que mettra-t-on dans une Exposition spéciale électricité, disaient-ils?" M. Berger y mit les télégraphes, les téléphones, les puissantes machines électriques, le labourage électrique, les ascenseurs électriques, les volts, les ohms, les ampères, connus, asservis. Quel succès! Toute une industrie nouvelle, celle de l'avenir était créée, la France, une fois encore, étonnait le monde avec son palais trop petit pour contenir toutes les merveilles qui s'y pressaient.
Lorsque l'Exposition d'électricité fut terminée, elle laissait des bénéfices relativement considérables et M. Georges Berger, nommé par acclamation président de la Société internationale des électriciens, obtenait qu'ils fussent attribués à la fondation d'un remarquable laboratoire d'électricité qui rendra les plus grands services à la science.
Tel est l'homme: telle est son oeuvre.
Au moment où l'exposition universelle de 1889 va lui permettre d'accomplir une des plus brillantes étapes de sa carrière, nous sommes heureux de saluer en lui un des meilleurs et des plus glorieux enfants de notre chère France.

                                                                                                    Max de Nansouty.

La Petite Revue, premier semestre 1889.

Chroniques de l'Exposition.

La Manufacture des Gobelins à l'Exposition de 1889.

La Manufacture des Gobelins exposera ses produits dans la grande rotonde qui marque, au centre du jardin de l'Exposition, l'entrée des galeries industrielles françaises, face au pont d'Iéna et à égale distance des expositions d'art, dont les pavillons occuperont les deux côtés du jardin.
Cette grande rotonde sera, d'ailleurs, spécialement affectée aux expositions de nos manufactures d'Etat: Sèvres, les Gobelin, Beauvais et la Mosaïque.
La Manufacture des Gobelins sera représentée par trente-trois tapisseries de haute lisse et six panneaux en tapis veloutés, dits "tapis de Savonnerie".
La plus grande attraction que la Manufacture ait jamais produite en aucune exposition sera la série des dix-sept tentures composées par M. P. V. Galland, et destinés à la décoration du Salon d'Apollon, au Palais de l'Elysée: c'est une suite de figures allégoriques, "les Muses", "les Poèmes" et un admirable "Pégase" comme panneau central.
La seconde série sera celle des huit "verdures", destinées à la décoration de l'escalier d'honneur du Sénat, et dont la composition a été confiée à plusieurs maîtres, tels que MM. Desgoffes, de Curzon, Bellel, Colin, Rapin et Maloisol.
La Manufacture prépare enfin, pour la chambre de Mazarin, à la Bibliothèque Nationale, cinq panneaux d'après F. Ehrmann: ce sont des allégories consacrées à la symbolisation de l'"Imprimé" et du "Manuscrit", des "Lettres, Sciences et Arts dans l'antiquité".
Ces trois séries seront complétées par un certain nombre de pièces isolées de MM. Galland, Mazerolles, J. Lefebvre et M. Bourgeois, et par plusieurs panneaux d'après Chardin.
Les pièces dites  "de Savonnerie" empruntent leur nom à celui de la Manufacture d'Etat  où ce genre de produits a été pour la première fois fabriqué.

La Petite Revue, premier semestre 1889.

vendredi 24 janvier 2014

Champs grêlés.

Champs grêlés.

M. de Puyvallée fait part au comité du fait suivant, observé par lui lorsque les champs ont été frappés par la grêle.
Les habitans des campagnes redoutent pour leurs troupeaux l'approche de ces champs, dont ils regardent l'herbe comme empoisonnée par la grêle. La précaution est bonne jusqu'à ce qu'une pluie ait lavé l'herbe après qu'elle a été grêlée; mais une fois la pluie tombée, il ne faut pas craindre d'amener paître les moutons, les chevaux, les bœufs, et généralement tous les animaux herbivores; l'herbe grêlée et lavée par la pluie se trouve saine et nourrissante comme auparavant. Ce serait se priver de ressources quelquefois considérables que d'écarter ses troupeaux, pendant toute une saison, du champ qui a été grêlé. 
Tout en recommandant de s'en servir après que l'herbe en a été lavée par la pluie, on doit insister beaucoup d'un autre côté pour qu'on en éloigne les troupeaux avant la pluie tombée; car voilà ce qui arrive: la grêle, en tombant contre terre dans un champ où les herbes ne sont pas serrées, fait voler la poussière sur ces herbes, qui s'en recouvrent et sont ce qu'on appelle rouillées. Lorsqu'un mouton, un bœuf ou un cheval, ou tout autre animal, mange cette herbe rouillée en assez grande quantité, il ne peut pas la digérer: il se fait dans son estomac de grosses boules dures, composées de terre et d'herbe très-mêlée; ces boules ne tardent pas à donner la mort à l'animal
L'effet de la grêle est de couvrir de terre l'herbe des champs, et de la rendre par là même impossible à digérer: la preuve en est que la grêle, en tombant sur l'herbe des prairies naturelles, ne la rend pas malfaisante; ce qu'on explique en disant que dans les prairies naturelles, l'herbe étant très-serrée recouvre la terre de manière que la grêle ne peut la faire voler en poussière.

Journal des Connaissances Utiles, 1833.